Depuis quelques semaines, Julie S. avait adopté un comportement étrange, enfin, si je puis dire. Car je voyais bien, moi qui suis une femme qui aime les femmes, qu'elle m'adressait des signes d'intérêt, et je dirais même de séduction. J'observais également qu'elle "échangeait" avec Ludivine des regards et des sourires qui dépassent les signes habituels de l'amitié entre jeunes filles de cet âge. Alors que je passais dans le couloir de la salle d'études, je remarquai qu'elle écrivait dans un état de concentration saisissant, comme si elle était possédée, enfiévrée par son écriture. Je décidais que je devais lire ce document. Il y a quelques jours, je lui ai annoncé qu'elle devait rester en étude, après la fin du cours. J'attendis que l'heure d'étude soit suffisamment entamée pour l'envoyer chercher, à l'autre bout de l'établissement (qui est très grand, l'un de plus grands de France) un document à la salle des professeurs. Elle parut étonnée, et voulut partir en prenant son cartable. Je la rassurai sur sa "sécurité" et l'invitai à le laisser. Dès qu'elle fut partie, je me jetai sur ses affaires, à la recherche du petit cachier rose que j'avais entraperçu. Il était bien là. Je le pris avec moi, et me rendis dans une salle voisine où je photocopiais avec ardeur et un peu d'angoisse les pages de ce qui s'annonçait être un cahier intime, et je retournai dans la salle. Julie n'était pas revenue; je plaçai le cahier dans le sac, en le déposant de manière à ce que rien ne laissat penser que je l'avais "fouillé", ce qui de toute façon n'était pas le cas. J'avais seulement aperçu une petite photographie sur laquelle un jeune garçon souriait bêtement, comme ils le font tous à cet âge-là. J'avais ressenti une pointe de déception à imaginer que ce petit taureau furieux puisse flétrir les chairs tendres de Julie. En tout état de cause, je ne m'étais pas trompée. Julie tenait bien un journal intime, et j'en étais l'une des protagonistes. Je lus avec un plaisir indicible le récit haletant et sensible, et plusieurs fois, des larmes me fuirent sans que je susse les retenir. Emue par cette affection si sensible, je décidais de coller les pages manuscrites dans un cahier; sur les pages gauches, les caractères alphabétiques projetés par la main de Julie narrait son émoi; et en face, sur la page gauche, je décidais de répondre, comme si nous pouvions vivre un dialogue qu'hélas, la situation, nous interdisait pour toujours ou à jamais.
Bien sûr, notre amitié se trouva renforcée dans cette complicité née dans l’étroitesse d’un vestiaire de piscine. Nous nous étions découvertes plus qu’on ne l’aurait fait au cours de cette année scolaire et comme Ludivine ne semblait pas insensible à la relation très amicale que nous avions établi entre nous, tout pouvait être prétexte à ce que nous soyons aussi près l’une de l’autre, que cela soit dans les bises que nous ne manquions pas de nous faire matin et soir, les regards, les frôlements, les bras dessus bras dessous.
Puisses-tu continuer à aimer te nourrir de cette tendresse que seule une femme peut t'offrir...
Quand je la regardais, je ressentais des émotions qui étaient assez proches de celles que je pouvais avoir quand je flirtais avec un garçon…
Le voilà donc, le bellâtre...
du moins, je n’arrivais pas encore à trop bien m’expliquer ses sensations que je pouvais éprouver vis à vis d’elle, faites d’un mélange d’amitié et de désir. Le problème, c’est que notre " complicité " finit par nous attirer les remontrances de nos professeurs et en particulier celles de Melle Dirgin.
Julie, si tu savais. Mes remontrances s'expliquent autant par mon état d'hypnotisée que par mes craintes que vous ne soyez soupçonnées, dénoncées...
Ou du moins dû t’elle prendre comme excuse nos bavardages et nos comportements au fond de la classe pour nous fixer une colle pour indiscipline pendant son cours , car j’avais du mal à ressentir qu’elle le faisait avec beaucoup de conviction ! Elle n’était pas réputée pour sa sévérité, bien au contraire ! Je devinais dans sa voix un trémolo plus proche de l’excuse plate que d’une sévérité à toute épreuve !
Comme tu es fine et sensible ! Tu as vu juste...
" Elle nous fait quoi ? " m’interrogea Ludivine, toute aussi surprise du comportement de notre prof.
" Aucune idée, mais j’ai l’impression qu’elle en pince pour nous…. ! "
Oui ! et je n'ai pas à me pincer pour me réveiller, car ce n'est pas un cauchemar ou un rêve, mais une réalité, j'en pince pour toi, la petite pointe que l'on ressent dans ce coeur jamais vu et pourtant si évident...
Ludivine me regarda avec ses grands yeux bleus écarquillés.
" Qu’est que tu me racontes ? Elle viens de nous coller Julie ! "
" Je sais , mais je sens autre chose là-dessous ! "
" Quelle chose ? " me demanda t-elle un peu perplexe.
" J’sais pas trop … "
Je fixais Ludivine, sondant son regard, essayant de lire ses pensées…
" Quoi qu’il arrive, tu me suis ? " lui chuchotais-je en me penchant vers elle.
Je sentis son souffle et son soupir tout proche de mon cou… Je n’avais pas besoin de la regarder pour savoir qu’elle me suivrait.
La colle se passa en salle de perm. Nous n'étions que toutes les deux. Melle Dirgin nous y accompagna à la fin de nos cours.
" Julie, vous vous installez là " me dit elle en me désignant une place à la gauche du bureau.
" Et vous Ludivine, ici ! " en lui désignant une place à la droite du bureau.
Nous étions séparées par un rang.
" Je pense que vous avez assez de devoirs à faire pour vous occuper mesdemoiselles !"nous dit-elle en s’installant à son bureau, légèrement surélevé sur une petite estrade. Elle déposa devant elle quelques copies qu’elle devait avoir à corriger.
Je saisis un instant le regard de Ludivine fouillant dans son sac pour y sortir ses affaires. Je lui fis un clin d’œil, mon bras gauche croisé sous l’autre bras, je tendais mon doigt discrètement pour lui désigner ma cuisse que ma jupe remontée découvrait. J’avais croisé mes jambes à cet effet. Ludivine mit un moment à comprendre ce que je lui demandais, puis ayant saisi, elle fit de même, croisant ses jambes et ainsi remontant sa jupe qui dévoila le haut de sa cuisse. D’un second clin d’œil, je lui fis comprendre que c’était ok !
Mon regard se dirigea discrètement vers notre prof qui comme je m’en doutais, avait saisi notre petit manège. Elle ne montra rien. Au contraire, son regard allait de l’une à l’autre, étant comme charmé par notre tenue et notre toupet.
J’eus l’impression que sur sa chaise, elle ne tenait pas en place ! Elle croisait et décroisait ses jambes à intervalles réguliers, sa longue jupe noire s’étant entrouverte sur le côté comme par enchantement, j’apercevais parfois le genou et le bas de sa cuisse droite. Je savais que de là où elle était, elle apercevait nos jambes sous nos bureaux…
Oh oui ! Quelle audace, ma petite lesbienne... Et tes jambes ... Du haut de mon estrade, ma tête de vigie a pu contempler à loisir, sans mourir, la promesse douloureusement distante d'une douceur à se rouler par terre. Ta peau est claire, sans duvet, tes muscles sont fermes, et j'ai rêvé ce jour-là des fils qui relient tes pieds à ton triangle mystique... J'ai souvent croisé les mains et les doigts, parce que j'étais en prière : Sainte Madonne, puissez-vous permettre que Julie vienne s'allonger nue sur mon lit, afin que je découvre cette peau insensée !
Mon cœur se mit à battre un peu plus vite, le cahier ouvert devant moi ne me servant que de prétexte, j’avais l’impression que ma prof me poussait vers un " jeu " dont elle voulait garder la mainmise !
Elle n’avait jamais eu le moindre geste déplacé, la moindre parole, la moindre allusion, mais une étrange excitation me conduisait à penser, à imaginer ce qu’elle aimerait à cet instant de moi et de Ludivine. Je jouais gros la dessus, nous étions dans une école privée de filles aux règles strictes, ce qui pouvait d’ailleurs conduire certaines d’entres nous à tenter de sortir des règles établies… et peut être aussi à quelques uns de nos professeurs !
Melle Dirgin en faisait-elle partie ? Rien n’était moins sûr ! mais j’avais envie d’en savoir plus ! Et si mon instinct me trompait ! Que risquais-je ? Une réprimande ? Une colle supplémentaire ? Plus peut être ?
J’avais les jambes croisées, la droite sur la gauche, et lentement, je la fis glisser en la redressant très légèrement de manière à les entrouvrire. J’eus le culot du bout des doigts de remonter encore un peu ma jupe… j’avais le nez dans mon cahier, mais je jetais un œil vers ma prof… Il semblait qu’elle ne s’en était pas encore rendu compte, un coup d’œil vers Ludivine qui elle me lançait des œillades quelque peu désabusées… elle avait vu mon manège ! Melle Dirgin aussi, car son regard sembla se figer dans ma direction, ses doigts se crispèrent sur son stylo rouge, elle racla sa gorge de gène, j’eus envie d’abandonner, de resserrer mes jambes, et c’est alors qu’elle m’adressa un infime sourire, comme pour m’encourager ! Tous mes organes étaient en alerte, mon cœur battait la chamade, mes tempes bourdonnaient, mes mains étaient moites, mes joues rouges…
Et si j’avais raison ? Non je devais rêver ! la prof m’encourageait du regard, j’en revenais pas !
Je sais, tu ne sais pas à quel point ma vie est entièrement dévouée à tes formes, ta sensibilité, tes abandons amoureux ! Je veux être l'une des femmes de ta vie, Julie,, et je te remercie pour ces moments de trouble, où nous savons que ce que nous faisons est exigé de l'amour et interdit par la société...
Que pouvait-elle voir de sa place ? Que voulait-elle voir aussi ?
Sûrement le blanc de ma petite culotte entre mes cuisses… Rien dans son regard ne laissait transparaître la moindre remontrance, alors que je m’attendais à tout moment à subir ses foudres d’adulte… mais rien ne se passait, au contraire, il s’installait entre nous comme une sorte de jeu de voyeurisme, de désir, d’attirance…
Une étrange jouissance m’envahie… j’avais l’impression de prendre plaisir à me montrer, à donner envie… !
Jusqu’où pouvais-je aller ? Je me sentais pas encore prête à prendre l’initiative ! Il fallait que Melle Dirgin me guide… je le désirais au plus profond de moi, j’avais des fourmis dans tous mes membres, ma vue se brouillait un peu, je transpirais, mon cœur battait un peu vite…
Quand je lis cela, je tremble !
Un vent de folie et de peur me traversa quand je la vis se lever de sa chaise. Elle contourna son bureau par la gauche, descendit lentement de son estrade. Instinctivement je resserrais mes jambes. Ludivine se plongea dans son ouvrage ! Elle jeta un œil par dessus son épaule pour apprécier son travail, puis lentement se dirigea vers moi. Ma feuille était blanche ! !… moi aussi ! !
Mon livre de math ouvert devant moi me donna un semblant d’occupation… elle posa sa main droite sur le bord de mon bureau… se pencha légèrement de côté pour tenter de voir mes devoirs…
J’entendis le faible son de sa voix murmurer :
" Vous savez Julie… votre attitude… je la juge indigne… ! "
Ah ! je ris! rouge, rouge, et encore rouge, ma petite Julie, la "honte", mais pour moi, cette couleur magnifique signifiait ton embrasement, et ce alors même que je ne t'avais pas encore touché, que je ne t'ai pas encore touché !
Je levais mes yeux vers elle, mon regard devait implorer le pardon…
Ma pauvre chatte, si inquiète - j'étais là pour te rassurer ...
" Oui mademoiselle… je vous en supplie… ! veuillez m’excuser ! "
" Vous risquez gros… le renvoi ! entre autre ! "
Une chape de plomb s’abattait sur mes frêles épaules, tous mes fantasmes, toutes mes envies tombaient à l’eau ! J’avais envie de pleurer, de crier… !
" mais je ne vous en veux pas ! " me murmura t-elle.
Je croyais rêver ! Que voulait-elle me dire ? Je relevais mon visage, mes yeux étaient embués, son regard était chargé d’affection, un fin sourire aux commissures des lèvres finit par me rassurer.
" Prenez garde dans vos attitudes… vous pourriez choquer… "
" Pas vous ? " lui demandais-je presque naturellement.
Elle me sourit, son regard emprunt de tendresse.
" Je vous aime bien… je pourrais vous aider… en cours particulier, si vos parents acceptent bien sûr ! "
" Vous le croyez ? C’est vrai, j’ai quelques lacunes… ! " m’empressais-je de souligner, comme pour la convaincre du bien fonder de sa proposition.
" Vous pourriez demander à Ludivine si elle est intéressée, car elle en a aussi besoin ! "
Ludivine se demandait bien ce que nous pouvions nous raconter. Elle tentait de saisir les bribes de notre conversation.
" Mais vous vous doutez bien, que ces rendez-vous se feront à ma convenance, Julie ! "
" Oui Mademoiselle… sans aucun doute… ! " Je ne saisissais pas toute la portée de ce qu’elle venait de me dire, mais j’étais tellement heureuse qu’elle puisse me prendre sous son aile, que j’en oubliais tout principe de précaution… et puis Ludivine se fera une joie d’être avec moi !
Le cours particulier ? Si loin, si proche, si obsédant - je vois déjà la scène, ma "solitude" dans la maison, le silence, le retentissement de la sonnerie, les pas qui résonnent, le vide, et soudain, la présence, le miracle de ce visage, de cette chevelure, ses mains qui promettent et qui demandent, les pieds qui vont me fasciner et me provoquer, les secrets de son entrejambe, la douceur de la toison, et plus encore, les sourires de son visage lorsqu'elle jouira ... Et en sus, nous serons trois ! Oh !
Julie et Melle Dirgin
6 commentaires:
J'ai envie de te...
Mesdemoiselles, vous n'êtes que deux grandes...
coquines ...
La suite ! La suite !
Je sais, je me répète...
Ce texte... c'est du Baudelaire... en mieux.
... et moi, j'aime les coquines ...
C'est in, la coque, dans la coque, y a je, être "in", lesbian way, femme POUR femme, soi-même comme une autre... coquines par nécessité, car nous devons bien prouver l'étendue de notre amour et de notre désir...
Et comment ne pas aimer les femmes ... après ça?!
Gaby
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